A l’approche du 34e Congrès national du PCF, des militants du parti ont publié un texte important : Renforcer le PCF, renouer avec le marxisme. Ses signataires proposent de le présenter comme « texte alternatif » à celui que présentera la direction sortante, en septembre.
Après de longues années marquées par la dilution « anti-libérale » du programme du PCF et par le recul de son implantation sociale et électorale, ce texte milite pour rétablir les idées fondamentales du communisme dans le parti. Pour ses signataires, c’est la condition du redressement du PCF. Renforcer le PCF, renouer avec le marxisme est donc une contribution positive et constructive aux discussions des militants communistes sur les questions qui les préoccupent. A ce titre, nous ne doutons pas qu’il sera accueilli favorablement par de nombreux camarades.
Le texte commence ainsi : « Le gouvernement Sarkozy est sans aucun doute le plus réactionnaire que la France ait connu depuis la deuxième guerre mondiale, c’est-à-dire depuis celui du Maréchal Pétain. La multiplication de leurres et de diversions, soigneusement orchestrée depuis l’Elysée, ne saurait dissimuler les véritables objectifs du pouvoir en place. De "réforme" en "réforme", il s’agit de démanteler, tranche par tranche, toutes les conquêtes sociales du passé, de soumettre tous les aspects de la vie sociale et économique du pays à la loi du profit, de réduire le travailleur au rang de simple "matière première", corvéable et jetable à l’envi. Ce programme ne tombe pas du ciel. Il répond aux impératifs d’un système qui ne peut plus exister qu’au détriment de l’immense majorité de la population. »
Puis, Renforcer le PCF, renouer avec le marxisme replace les perspectives pour la France dans le contexte international de notre époque. Il explique que le « nouvel ordre mondial » annoncé à l’époque de l’effondrement de l’URSS, où « plus rien ne semblait pouvoir s’opposer à l’écrasante domination de l’impérialisme américain », est aujourd’hui en pleine crise. « Près de 20 ans après la chute du mur de Berlin, le triomphalisme des représentants du capitalisme a cédé la place à une profonde inquiétude. Les guerres en Irak et en Afghanistan, qui devaient fournir au monde entier une preuve irréfutable de l’énorme puissance militaire des Etats-Unis, en ont surtout montré les limites. Les Etats-Unis et leurs alliés – dont la France, en Afghanistan – sont en train de perdre ces guerres. Par ailleurs, selon la plupart des économistes, les Etats-Unis sont déjà en récession. L’Europe suivra certainement cette pente à plus ou moins court terme. En Chine et en Inde, une crise de surproduction est inévitable. »
Les développements récents en Amérique latine – dont les mouvements révolutionnaires au Venezuela, en Bolivie et au Mexique – marquent également un tournant qui va à l’encontre de l’offensive idéologique menée par les capitalistes : « Parmi les effets les plus importants de la révolution vénézuélienne, il y a son impact sur la conscience des travailleurs et des jeunes, son impact idéologique. L’expropriation des capitalistes, les nationalisations sous contrôle ouvrier, la redistribution des terres, en un mot tout ce que le "nouvel ordre mondial" et la "fin de l’histoire" avaient consigné à la poubelle de l’histoire, sont revenus au cœur de l’action et de la pensée des victimes du capitalisme. […] La révolution vénézuélienne n’est pas encore allée jusqu’à son terme. Mais elle a déjà rendu un immense service à tous ceux qui luttent contre le capitalisme. Elle a remis les idées révolutionnaires, les idées du marxisme, au cœur des discussions dans le mouvement ouvrier latino-américain, et même à l’échelle internationale. Les événements au Venezuela, en Bolivie et ailleurs signifient qu’après toutes ces années pendant lesquelles les capitalistes ont décrété la mort définitive de notre cause, la révolution socialiste est de nouveau à l’ordre du jour ! »
Le déclin du capitalisme français, qui perd du terrain dans pratiquement toutes les régions du monde, n’en est qu’à ses débuts. Ce déclin et la perspective d’une crise économique mondiale sont « lourds de conséquences pour la masse de la population française. Les acquis sociaux seront constamment menacés, minés et progressivement détruits. Ce qui est gagné aujourd’hui sera perdu demain par la mise en concurrence des salariés et par les mécanismes inexorables du marché. Les bases économiques sur lesquelles repose l’idéologie des réformistes n’existent plus. Dans le contexte actuel, où le système tire tout vers le bas, le réformiste ressemble à un homme qui gravit lentement et péniblement les marches d’un escalier mécanique descendant. A force de voir son niveau de vie constamment menacé, la psychologie du salariat – et notamment de sa couche la plus politiquement consciente – commence à changer. L’illusion d’un "dépassement" graduel des inégalités, voire du système capitaliste lui-même, au moyen d’une accumulation progressive de réformes sociales, s’efface devant la dure réalité du capitalisme. Les marchands de cette illusion – qu’ils soient de droite ou de gauche – ne sont plus crédibles. Nous sommes entrés dans une époque de régression sociale permanente. »
Les auteurs du texte considèrent que, dans ce contexte, le PCF aurait pu et aurait dû progresser : « Depuis la grève générale des transports et des services publics de 1995, des millions de jeunes et de travailleurs se sont mobilisés, à de nombreuses reprises, et parfois à une échelle inédite depuis 1968. D’innombrables grèves et mobilisations massives ont marqué les années Raffarin et de Villepin : contre le Front National (2002), contre la guerre en Irak et la "réforme" des retraites (2003), contre la Constitution Européenne (2005) et contre le CPE (2006). Depuis l’élection de Sarkozy, d’autres luttes de grande envergure ont eu lieu, notamment pour la défense de retraites et de l’Education nationale, sans oublier la lutte des sans-papiers, etc. Le cours de la lutte contre le CPE, en 2006, ressemblait beaucoup à celui qui a précédé la grève générale de 1968, à une différence près : la mobilisation de la jeunesse, en 2006, était encore plus massive, plus générale et mieux organisée que celle des étudiants de 1968. Si Chirac et de Villepin n’avaient pas fini par faire marche arrière, ils auraient perdu tout contrôle de la situation. Ce n’est pas un hasard si Bayrou parlait, à l’époque, d’une "ambiance d’effondrement" au sommet de l’Etat.
« Tout au long de cette période, qui dessine une courbe ascendante de luttes et de mobilisations, le Parti Communiste aurait dû être dans son élément naturel. Il aurait pu et dû renforcer sa position, non seulement sur le plan électoral, mais aussi en termes d’implantation sociale, d’influence dans les organisations syndicales, d’effectifs militants et de finances. Et pourtant, sur cette même période, la courbe de son développement va dans le sens inverse. »
Un bilan critique et sans complaisance est nécessaire. Le texte se poursuit donc par un examen de la politique menée par la direction du parti au cours de la dernière période, ainsi que de ses conséquences pour l’implantation sociale et électorale du PCF :
« Entre 1981 et 2002, la gauche a été au pouvoir pendant 15 ans, et avec la participation du PCF pendant 8 ans. Il y a eu quelques réformes progressistes. Mais sur toutes les questions fondamentales, les partis de gauche au pouvoir ont aligné leur politique sur les intérêts capitalistes, de sorte qu’aucun des problèmes sociaux les plus brûlants n’a été résolu – bien au contraire. Cette expérience a miné la crédibilité des dirigeants socialistes et communistes aux yeux de la masse des travailleurs. En ce qui concerne le PCF, le soutien au "plan de rigueur", en 1982-1984 (démantèlement de l’industrie sidérurgique, blocage des salaires), puis, sous Jospin, le ralliement et la participation active à la politique de privatisations, ont mené à un effondrement de la crédibilité du parti comme "parti révolutionnaire". La couche la plus militante et combative des travailleurs – celle qui donnait au parti ses relais dans la société, ses racines dans les entreprises et les quartiers populaires – a largement "décroché". Le parti a perdu des centaines de milliers d’adhérents. L’incapacité totale des dirigeants de prévoir et d’expliquer l’effondrement des régimes dictatoriaux prétendument "communistes" a également porté un coup très sévère à l’autorité politique du PCF, et contribué à la désorientation de ses militants.
« Contrairement à ce que prétendent des "liquidateurs" comme Gayssot ou Martelli, le problème n’est pas le communisme ou le marxisme, qui selon eux n’auraient plus d’avenir. Au contraire, le problème est précisément l’abandon du communisme par les dirigeants du parti. Le comportement des dirigeants du PCF au gouvernement et la dilution progressive de son programme ont convaincu la majorité de la couche la plus militante et combative du salariat que malgré le ton plus radical de son discours, le PCF ne représente pas, dans la pratique, une alternative sérieuse au réformisme du Parti Socialiste. Aux yeux des centaines de milliers de travailleurs qui formaient le socle de la base sociale et électorale du parti, un PCF qui cautionne des privatisations et d’autres mesures anti-sociales ne sert pas à grand-chose.
« Quand l’électorat de gauche fait face à deux partis réformistes, c’est nécessairement le plus grand qui l’emporte, quelles que soient les différences dans leurs programmes. La masse des travailleurs ne lit pas le détail des programmes. Elle se forge son idée essentiellement sur la base de son expérience. De ce point de vue, les différences entre les programmes du PCF et du PS pèsent beaucoup moins lourd, aux yeux de l’électorat de gauche, que la politique menée conjointement par le PS et le PCF quand ils étaient au pouvoir. Dès lors, pour la masse des jeunes et des travailleurs, le seul véritable enjeu, c’est de savoir lequel des deux partis aura les meilleures chances de battre la droite dans les urnes. Dans ce domaine, c’est forcément le PS qui l’emporte. La dérive réformiste dans la politique du PCF a favorisé le PS, d’un côté, et de l’autre a ouvert un espace à la LCR.
« La situation actuelle offre d’énormes possibilités au PCF, à condition de tourner le dos aux idées décousues du réformisme "anti-libéral", qui ne peuvent que semer davantage de confusion. Il faut réarmer politiquement le parti sur la base des idées du marxisme et du programme du socialisme révolutionnaire. »
Renforcer le PCF, renouer avec le marxisme analyse quelques-unes des modifications dans le programme du parti au cours de la dernière période. Il réfute l’argument selon lequel des « mutations sociologiques » justifieraient l’abandon du marxisme, tire un bilan sans concession des « collectifs anti-libéraux », traite la question des rapports avec le PS et de la participation gouvernementale, prend clairement position contre les alliances avec le Modem, et rejette toute idée de dissoudre le PCF ou de le transformer en « autre chose », que ce soit un « pôle de radicalité », une vague « mouvance », etc. Les sections intitulées « Le marxisme », « Réforme ou révolution » et « L’avenir du parti » indiquent clairement le programme et la démarche générale que proposent les signataires pour assurer le redressement du PCF. Finalement, le texte se conclut ainsi :
« Malgré les difficultés qu’il a connues au cours de la dernière période, le parti occupe une place très importante – et potentiellement décisive – dans le mouvement ouvrier français. Il a une longue tradition de lutte et de résistance à l’oppression. Il dispose d’énormes réserves sociales, ce qui explique toute la propagande hostile et mensongère dont il est l’objet, de la part des médias et de tous les représentants de la société "officielle". Dans la conscience collective de plusieurs millions de travailleurs, le PCF demeure une force et un allié dans la lutte contre les innombrables injustices et oppressions que leur inflige le capitalisme. Le virage droitier de la direction du Parti Socialiste renforce encore les perspectives de développement du PCF – du moins potentiellement.
« Notre parti peut devenir, doit devenir une force sociale et politique extrêmement puissante. De grandes perspectives s’ouvrent à nous. Mais pour qu’elles se réalisent, il est absolument indispensable de rompre avec la politique insipide du réformisme "antilibéral" et de renouer avec les traditions militantes et révolutionnaires de notre passé – c’est-à-dire avec les idées du marxisme. Le Parti Communiste doit redevenir un parti révolutionnaire, dans son programme, dans son action et dans son tempérament. Sur cette base, il regagnera progressivement sa position de parti des éléments les plus combatifs de la jeunesse et des travailleurs. Il retrouvera ses relais et son enracinement massif dans le mouvement syndical et les quartiers populaires.
« Face au désastre social provoqué par le capitalisme, des centaines de milliers de jeunes et de travailleurs cherchent des idées sérieuses, un programme qui offre une véritable alternative au système actuel. Certes, ils sont souvent sceptiques vis-à-vis des partis politiques. Pouvait-on raisonnablement s’attendre à autre chose, étant donnée l’expérience de ces dernières années ? Cependant, si nous restons fermes dans nos idées révolutionnaires, si nous les expliquons patiemment, il sera parfaitement possible de surmonter cette méfiance.
« Le capitalisme n’offre plus d’autres perspectives que la régression, le déclin, la crise permanente, la destruction des conquêtes sociales. Aucune société ne peut continuer indéfiniment sur cette pente. Le socialisme n’est donc pas une utopie, mais une nécessité. La tâche primordiale des communistes est de donner une expression concrète à cette nécessité dans le programme, la théorie et la pratique du parti. »
L’ensemble du texte est rédigé dans un style économe et précis, ce qui rend son argumentation claire et compréhensible pour tous. Renforcer le PCF, renouer avec le marxisme émane de la « base » du parti. C’est tout à fait dans l’ordre des choses. Dans leur lutte pour le faire connaître et récolter les 200 signatures requises, les militants qui le proposent ne pourront pas compter sur un « coup de pouce » de telle ou telle structure nationale du parti. Nous en appelons donc à tous les militants communistes. Nous leur demandons de lire ce texte dans son intégralité et de le faire connaître dans leur entourage. Surtout, à ce stade, le texte a besoin de signataires. Nous demandons à tous les membres du PCF qui se reconnaissent dans les idées qu’il défend – ou qui, sans être d’accord avec tout, souhaitent que ces idées soient discutées dans le cadre du congrès – d’envoyer sans tarder leur signature à : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser., avec une copie à Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser..
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